"One Aim, One God, One Destiny"
Lhistoire du rastafarisme commence avec Marcus Mosiah Garvey,
prophète noir qui acquit une certaine popularité dans le Harlem
des années 20. Le culte de cette figure légendaire na pas
cessé dêtre célébré depuis par tous
les reggaemen. Burning Spear lui consacra même deux albums entiers. Peter
Tosh fait référence à lhomme sur le morceau The Prophets
(Album Bush Doctor, Rolling Stones Records, 1978) et Bob Marley lévoque
aussi sur Kinky reggae (album Catch
a Fire, lsland, 1973). Globalement incompris et calomnié aux Etats-Unis,
il était en revanche adoré et respecté
par ses compatriotes jamaïcains.
Né en Jamaïque en 1887, Marcus Garvey émigra aux Etats-Unis
en 1916 et, lannée suivante, il fonda lAssociation universelle
pour lamélioration de la condition noire (Universal
Negro Improvement Association, UNIA, toujours en activité). Sous
son impulsion, cette organisation devint le principal défenseur de "
la rédemption par le rapatriement" (redemption trough repatriation),
avec la bénédiction du Ku Klux Klan. La classe moyenne noire et
les libéraux blancs étaient effrayés par de telles positions,
pensant que la solution des problèmes raciaux reposait sur la cohabitation
intelligente des différentes communautés. Le Klan, en revanche,
approuvait tout à fait cette purification ethnique par un départ
volontaire. Pour aider le mouvement, le Klan alla jusquà participer
à certains meetings de lUNIA, à linvite de son leader.
Très actif, Marcus Garvey créa son propre journal, The Negro World,
à New York. Le slogan nationaliste de Garvey "
One Aim, One God, One Destiny " en devint la devise.
En 1919, Marcus Garvey créé la Black Star Line, compagnie maritime
censée servir le projet de rapatriement. Il fit la tournée du
pays à la façon dun monarque pour promouvoir son initiative
et recueillir des investissements. A New York, il descend les rues de Manhattan
à bord dune Limousine, suivi par 250 000 adeptes. Les autorités
fédérales commencent à sintéresser à
lui. En 1922, après la banqueroute de la Black Star Line, Garvey et trois
de ses associés sont poursuivis par les tribunaux. Accusé de fraude
postale, il reste en liberté surveillée jusquen 1925. Sa
condamnation est alors confirmée. Il est emprisonné
au pénitencier fédéral dAtlanta. Le président
Collidge commuta sa sentence en 1927 et Garvey fut envoyé en exil en
Jamaïque. Il ne reste de ses projets que des paroles de chansons, Culture
et quelques autres nayant pas renoncé au voyage :
" They took us away from our homeland
And we are slaving down here in Babylon
They are waiting for an opportunity
For the Black Starliner which is to come "
Culture, Black Starliner (Trust me, Jahmin Records, 1997)
Les Jamaïcains écoutent avec enthousiasme les meetings de Garvey, organisés dans les mois qui suivent son retour. La vie politique de lîle sen trouve bouleversée. Il est vrai que Marcus Garvey peut compter sur le soutien dun autre activiste, son ami Leonard Percival Howell, avec lequel il a noué des liens lors de son séjour à New York.
En dépit de cette ambiance sympathique et animée, Garvey se trouvait à létroit et, en 1935, il part pour lAngleterre. De là, il surveille la régression internationale de son mouvement. Il meurt en Angleterre en 1940.
Avant de partir pour lAngleterre, Marcus Garvey prononça à Kingston un discours qui marqua le lancement du mouvement Rasta. Dans une église de la capitale, un dimanche de 1927, il eut ces mots :
" Look to Africa, where a black
king shall be crowned "
" Regardez vers lAfrique, où
un roi noir doit être couronné "
En novembre 1930 le Daily Gleaner, journal populaire de Kingston, rapporta en première page quun chef tribal méconnu, Ras Tafari Mekonnen, avait été couronné sous le nom de Heile Selassie I (le nom signifie " Pouvoir de la Sainte Trinité "). Les Rastas y virent un accomplissement de la prophétie de Garvey. Pour sen assurer, ils cherchèrent dans la Bible une confirmation de la nature divine des événements, dans la tradition du revivalisme. A force de chercher, ils trouvèrent un passage qui confirmait le mythe, au paragraphe 5:5 de la Revelation :
" Then one of the Elders said to me, weep not ; lo, the lion of the tribe of Judah, the Root of David, has conquered, so that he can open the scroll and its seven seals "
Cest Archibald Dunkley, ancien matelot comme Howell, qui relèvera ces allusions bibliques. Plusieurs générations de Rasta ont poursuivi ce bricolage mythologique en lenrichissant de références, de rites et de figures diverses. Aujourdhui, lhistoire du mouvement Rasta laisse de côté la façon dont sest constituée la croyance. Les protecteurs du mythe développe une iconographie et un discours qui doit montrer le caractère spontané et quasi-magique des faits qui ont conduit à la formation du mouvement rasta. Culture consacra par exemple la pochette de Trust Me au culte de Heile Selassie, représentant les passages de la Bible qui avalisent la croyance Rasta comme sil sagissait de trésors archéologiques prouvant lexistence de lAtlantide.